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Jeux d'argent en ligne : la Cour européenne justifie le monopole des Etats


Coup de théâtre pour les jeux en ligne. En raison des dangers qu'ils peuvent représenter, la Cour de justice européenne a, mardi 8 septembre, jugé légitime la volonté d'un Etat d'interdire ces opérateurs. Saisie par un tribunal portugais, la Cour a tranché en faveur du monopole historique, la Santa Casa de Misericordia de Lisboa, aux dépens de la société Bwin, créée à Gibraltar.
Cette décision intervient au moment même où la France s'apprête à débattre de l'ouverture des jeux en ligne sur son territoire. Le texte de loi élaboré par le ministre du budget, Eric Woerth, doit être présenté aux députés début octobre. Le calendrier initial, qui prévoyait une ouverture à la concurrence au 1er janvier 2010, a pris quelque retard. Le gouvernement français évoque désormais le printemps 2010 avec en ligne de mire la Coupe du monde de football, une des épreuves les plus attendues des sites de paris sportifs en ligne.

Les députés et sénateurs qui souhaitent ferrailler contre ce projet de loi ne manqueront pas de s'emparer de cette décision. Le député PS Gaëtan Gorce a d'ailleurs réagi dès mardi, estimant que "cet arrêt prive le projet de loi présenté par le ministre Eric Woerth de toute justification juridique". Et ajoute : "Le groupe socialiste demande par conséquent au gouvernement de le retirer de l'ordre du jour de l'Assemblée nationale."

Pour comprendre la décision de la Cour, il faut remonter à 2005. Bwin signe alors un contrat de sponsoring avec la Ligue de football professionnel portugaise. L'opérateur de loterie Santa Casa multiplie les recours en justice afin de dénoncer cet accord au nom de la défense de son monopole exclusif sur les paris sportifs et autres loteries.

Contre l'avis de Bwin et des opérateurs de jeux en ligne, les magistrats ont estimé que la législation portugaise constitue bel et bien une "restriction à la libre circulation des services", mais que celle-ci est "justifiée" par des raisons impérieuses d'"intérêt général", comme la "lutte contre la criminalité". L'arrêt de la Cour précise : "En effet, compte tenu de l'importance des sommes qu'ils permettent de collecter et des gains qu'ils peuvent offrir aux joueurs, ces jeux comportent des risques élevés de délits et de fraudes." Les magistrats notent au passage que "les jeux de hasard accessibles par l'Internet comportent des risques de nature différente et d'une importance accrue par rapport aux marchés traditionnels de tels jeux en ce qui concerne d'éventuelles fraudes commises par les opérateurs contre les consommateurs ".

Ce jugement "est une grande victoire pour les loteries nationales", selon l'Association des loteries européennes : "Les gouvernements peuvent interdire à des opérateurs commerciaux tels que Bwin de proposer des jeux en ligne à leurs citoyens, même si ces opérateurs sont basés et ont une licence dans un autre Etat membre de l'Union européenne", a estimé le président de l'association, Friedrich Stickler.

Multiplication des procédures

D'après BWin, la justice européenne "méconnaît que des opérateurs de jeux en ligne sérieux et responsables tels que BWin apportent les mêmes garanties que les monopoles d'Etat en matière de contrôle des jeux". La société, dont le siège est à Gibraltar, et qui sponsorise les clubs de football du Milan AC et du Real Madrid, demande l'adoption au niveau européen d'un cadre législatif adapté aux opérateurs de jeux en ligne.

L'arrêt de la justice européenne survient alors que la Commission a multiplié les procédures d'infraction à l'encontre des monopoles historiques. Pour le très libéral commissaire au marché intérieur, Charlie McCreevy, lui-même grand amateur de courses de chevaux, il s'agit d'ouvrir à la concurrence les paris sportifs et hippiques sur Internet. M. McCreevy, qui s'appuyait sur les décisions de la Cour de justice européenne pour justifier une libéralisation à marche forcée des jeux dans les différents pays européens, se trouve cette fois désavoué. Une politique qui lui a valu de croiser le fer avec les autorités françaises, le PMU et la Française des jeux, avant que le gouvernement Fillon n'accepte de refondre l'organisation des jeux en France.

Après de longues négociations, les services de la Commission ont fait savoir, le 27 août, que le projet de loi français, élaboré par le ministre du budget Eric Woerth, correspondait peu ou prou désormais à leurs demandes. M. Woerth justifiait cette "ouverture maîtrisée du jeu en ligne" non par la pression de Bruxelles mais par la volonté d'organiser un marché où l'activité des sites illégaux se développent.

Depuis de nombreux mois, les sites aujourd'hui illégaux comme BWin, Unibet ou Betclic et les opérateurs qui bénéficiaient du monopole actuel, soit la Française des Jeux, le PMU et les casinotiers, se préparent à l'ouverture du marché. Les alliances se sont multipliées.

Ainsi Bwin s'est associé avec le groupe Amaury, éditeur de l'Equipe, et finalise un accord avec M6. Il pourrait sponsoriser le club de football des Girondins de Bordeaux. BetClic, dont l'un des actionnaires est l'ex-producteur de télévision Stéphane Courbit, a signé un accord avec la radio Europe 1 et sponsorise le club de football de Lyon (OL). Unibet s'est allié à la radio RMC. Le désir de se lancer dans la bataille publicitaire et commerciale sans attendre, leur fait parfois franchir la ligne jaune. L'OL, qui a voulu que ses joueurs arborent le nom de leur nouveau sponsor sur leur maillot lors d'un match de la Ligue des champions qui se déroulait en Belgique, a récolté une plainte. L'arrêt de la Cour européenne de justice pourrait amener ces acteurs à redoubler de prudence.


Le Monde
Laurence Girard et Philippe Ricard (à Bruxelles)
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